mardi 28 juin 2016

L’État matraquant la Liberté de dessiner - Réflexion autour d'une fresque de rue


Fresque de Goin - Grenoble, 2016
Fresque de Goin vandalisée - Goin, 28 juin 2016

Charlie-Hebdo: "un journal qui avait le souci de l'indépendance et de la liberté parfois jusqu'à l'impertinence"
Bernard Cazeneuve, Ministre de l'intérieur, Cérémonie des vœux à la presse du 28 janvier 2018
La liberté atterrée. Work in progress

Les dessins de Goin sont politiquement incisifs. Et c’est bien le problème.
Ils soulèvent une adhésion ou un rejet immédiats.
Pour le dire simplement, Goin est bon. Et ça claque.
Ils s'attaque – à la peinture – aux pouvoirs économique et politique dont il raille l'interdépendance.
Il peint les murs nus pour faire tomber ceux de l'injustice et de la domination.
Il dénonce aussi avec de la couleur les effets mortifères du nucléaire.
Fukushima Flowers

Les Trois Grâces


Ils se moque avec une impertinente pertinence des hommes politiques.
Small brother is watching you

Hollande et sa boîte à outils

Putti Riot


Il dénonce les discours dominants, leur futilité et leur hypocrisie, les rapports de pouvoir et les illusions médiatiquement orchestrées comme ici le spectacle du football ou les enfants-soldats.
We need foot not football, Athènes, 2013

C’est un artisan de la bombe… de peinture.
Un pirate qui excelle dans le détournement… des symboles des pouvoirs.


















Ses dessins contiennent en outre une touche de poésie, ce qui n’arrange rien.
Un dessinateur qui dessine des coeurs et des enfants ne peut pas être vraiment mauvais… même s’il dessine aussi des CRS matraquant à tour de bras.

Goin est sous les feux de l’actualité parce qu’il a touché juste.
Voilà à quoi se résume la polémique née de sa participation au festival de dessins de rue de Grenoble.

Le problème soulevé par Goin à Grenoble vient d’abord de la difficulté à lire et à comprendre un dessin.
Et pourtant, pour ce dessin-là, Goin a fait dans la pédagogie:
il a écrit en gros « 49.3 » sur un bouclier de protection de la police.
Puis il a rajouté une légende « L’Etat matraquant la liberté », au cas où des personnes n’auraient toujours pas pas compris que les policiers, matraque au poing, « symbolisaient » l’Etat.
C’est très compliqué la symbolique.
Ça suppose de comprendre la différence entre le sens propre et le sens figuré, ce qui est censé être acquis en sixième

Or, Goin, « figure » précisément une perception largement partagée quant à l’usage récent de l’article 49.3 à propos de la loi dite « loi travail ».
Il « représente » comment ce choix politique a été perçu à gauche comme à droite, y compris chez ceux qui l’ont utilisé (il suffit de chercher quelques secondes sur Internet pour trouver des vidéos de François Hollande ou Manuel Valls crier au déni de démocratie à propos de l’usage du 49.3 par le gouvernement… alors qu’ils étaient dans l’opposition).
J’arrête là l’explication de texte, la symbolique, la représentation, la figuration ne sont pas le réel.
Elles en sont une image.
En l’occurrence l’image de Goin est suffisamment juste pour que sa proximité avec d’autres dénonciations (notamment celles des violences policières vis-à-vis des manifestants se mobilisant précisément contre cette « loi travail ») rende insupportable la représentation de la réalité.

L’image dénonçant une réalité insupportable devient à son tour insupportable.

Il est préférable de désigner le sage
Il est préférable dans ces cas là de jeter le dessin en pâtures, de brûler les livres et d’enfermer celles et ceux qui donnent du réel une image juste mais impertinente, dans un souci d’indépendance et de liberté.
Il est préférable de ne rien voir, de ne rien entendre, de ne rien dire.
Il est préférable pour l'artiste d'appareil de tout voir et de ne rien dire.
Mais Goin n'est pas un artiste d'appareil.
Il est préférable pour l'artiste de salon de montrer ce que tout le monde a vu. De se montrer un poil impertinent, juste un poil.
Sauf que Goin n'est pas un artiste de salon.
Sauf que son impertinence touche à un Etat si faible qu'il n'a plus que des symboles pour se sentir exister.

Le bon dessinateur est celui qui en quelques lignes montre ce qu'on ne voit pas.
Le mauvais commentateur est celui qui y voit ce qu'il n'y a pas, c'est-à-dire ses propres fantasmes.

Le dessinateur de rue, Goin, a réussi: sa fresque a été vandalisée.
Ceux qui réclament le respect des forces de l'ordre ont dû utiliser les outils du désordre: le graffiti, ce symbole de la chienlit.

I Spray for You

La Liberté d'expression
guidant le peuple


1 commentaire:

  1. C'est surtout un artiste d'extrême gauche payé par la ville de Grenoble !
    Sans être méchant son interview dans le parisien est d'un ridicule, le mec cite le bloody sunday alors que c'était en irlande du nord et que l'armée avait tué des gens non la police.. Enfin bref quand on se veut artiste et historien faut pas dire n'importe quoi. par contre si on est juste un graffeur on graf' ce qu'on veut, mais pas besoin d'essayer d'étaler une culture qu'il n'a pas.
    Sinon il a du rajouter l'état matraquant la liberté une fois que des réactions lui sont parvenues ...

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