vendredi 2 janvier 2015

Daniel Darc, incarnation de l'être punk


Le garçon sauvage
sur Daniel Darc par Marc Dufaud
Riding life is not so easy
28 février 2013. Paris.
Daniel Darc ex-chanteur et parolier de Taxi girl est retrouvé mort chez lui. Il a succombé à une embolie pulmonaire. A cinquante-trois ans, son corps est celui d’un vieux rockeur mort au tout début de sa vie d’adulte. Dans une de ses dernières interviews, à quelques mois de sa mort, il confesse: je me sens comme un mec qui vient de devenir adulte. À cinquante-deux ans" (Daniel Darc, "J'ai envie d'aller vite", interview mise en ligne le 19 janvier 2012.) 
Lorsque la nouvelle est connue, les journaux avancent qu’il est probablement décédé d’une surdose d’alcool et de médicaments. Il semblait impossible qu’il soit mort de mort « naturelle ».



Il y a des personnes dont le corps révèlerait l’histoire qu’elles ont traversée. Les marques qu’elles portent indiqueraient non seulement leur parcours singulier mais aussi la manière dont leurs pratiques se seraient transformées et auraient contribué à modifier ce qui peut se faire dans la société. En d’autres termes, il existe des personnes qui non seulement rendent compte des changements sociaux mais encore contribueraient à les produire. Elles n’ont pas changé le monde, mais elles auraient impulsé un mouvement, participé à son inflexion aux marges, des marges depuis lesquelles ce mouvement se diffuserait à l’ensemble du corps social.
L'artiste performer Ron Athey fait partie de ces personnes (voir l'interview L'encre et le métal). De même Daniel Darc. L'un comme l'autre, ils incarneraient «l’être punk».
Pour Daniel Darc, cette incarnation commence avec l’auto-mutiliation à laquelle il s’est livré sur scène en 1978, jusqu’à ses tatouages, branding et scarifications, en passant par ses multiples surdoses d’héroïne. Il incarnait l'être punk à un point tel que dans la plupart des interviews les journalistes revenaient sur le punk, presque comme une nécessité, même s’il y était question d’albums qui n’avaient rien à voir avec la musique punk . Ainsi Thierry Ardisson dans «Tout le monde en parle», en 2004 : «Vous êtes une sorte de rock’n roll héros, avec ce que ça comporte de tailladage de veines, ce que ça comporte d’injections d’héroïne, un peu comme Iggy Pop»
Ardisson  alimente ainsi la figure du rockeur-punk héros défoncé à l’héro dans la lignée des Iggy Pop, Lou Reed, Jimi Hendrix, Keith Richards, Sid Vicious, Janis Joplin, Jim Morrison, des Ramones ou des Pretenders. Daniel Darc serait dont une incarnation de la figure du rocker défoncé dont le corps porte les traces d’automutilation de jeunesse mais aussi d’une sorte de résurrection qui passe aussi par le corps et les tatouages qui s’engagent dans une perspective esthétique de construction de soi (sur ce point, des similitudes se font jour avec Ron Athey dont Darc adorait le travail).
Darc analyseur du punk ? Il incarnerait ce qui s’est joué dans le moment punk, le passage d’une musique métissée à un style de vie, à une image, à une figure. Daniel Darc ne porte pas de crête Mohawk*. Mais avec ou sans crête, l’engagement du corps dans une expérience de soi liée aux drogues, à l’alcool, au tatouage, aux scarifications le situe dans la lignée de la fiction punk telle qu’elle s’est cristallisée depuis les Sex Pistols ou les New York dolls, qui faisait que « ce corps qui perdait nom [en référence aux noms de scène], on le trouait et on l’affirmait comme exsangue ou en soif uniquement de ses poisons » (François Bon, « Commentaire sur les Sex Pistols », Tierslivre, 2013). L'affichage d'une masculinité rock avec bottes et perfecto complète la figure punk/rock auquel le corps marqué de Daniel Darc collait si bien.
* La coupe Mohawk ou la coupe Iroquoise et leurs variante sont des coupes de cheveux qui ont caractérisé le mouvement punk des années 1980 et qui sont devenues une forme de signe d'appartenance à une communauté punk. Elles consistent à porter le crâne rasé sur les côtés et à dresser différemment les cheveux sur le dessus du crâne. Considérée comme moins agressive aujourd'hui, ces coupes sont désormais popularisées dans des groupes sociaux très divers et intégrées à la panoplie des coupes à la mode.
Ron Athey Los Angeles
début des années 1980
Fuck you style
Sur Daniel Darc, voir aussi sur ce blog: Darc Tattoo, la lumière du noir.

Le jour où j’ai stoppé les Popovs dans le Bugey* « Comme il faut mal aimer son peuple pour l’envoyer à des choses pareilles. À présent je...