Hier, 21 mars 2011, dans le cadre de la Biennale universitaire pour l'égalité entre les Femmes et les Hommes, s'est tenue une journée de réflexion sur les violences sexuelles et sexistes.
Durant la journée, deux interventions ont porté sur la question de l'apparence vestimentaire des jeunes filles, celle de francine Duquet (dont on peut télécharger le rapport de recherche complet ici) et la mienne, qui portait sur un travail d'analyse de la presse féminine s'adressant aux adolescentes et aux jeunes femmes (un article co-écrit avec Sandrine Jamain-Samson paraîtra prochainement dans Sociologie et sociétés). La question de la jupe n'était pas centrale, mais elle a toutefois affleuré pour penser la notion venue du Québec d'hypersexualisation.
La veille, Alain Gresh, signait sur son blog, un article intitulé: Jupe et string obligatoires. Il y rapportait les injonctions faites à des lycéennes musulmanes à ne pas venir au lycée, vêtues d'une longue robe unie noire.
Hier, 21 mars 2011, toujours, le second Printemps de la Jupe et du Respect était lancé à Lyon. Lors de la soirée d'inauguration, la pièce de théâtre Ascenseur pour l'Egalité (qui est jouée le 23 mars à l'Université Lyon2) a servi de point de départ à un débat qui, s'il ne porte pas exclusivement sur la jupe, interroge les inégalités raciales, sociales, et, bien sûr, les inégalités entre les sexes.
Le même jour sur Mediapart, Claude Lelièvre relevait à son tour le rappel à l'ordre dont ont fait l'objet les lycéennes du lycée Blanqui de Saint-Ouen. Il la situe brièvement dans le cadre de l'histoire de l'école républicaine et note "une certaine obsession de la "robe" dans l'Ecole laïque"... Seul semble changer sa signification culturelle.
Enfin, après la question des poils, le site fauteuses de troubles mets en question, et donc en discussion, la question de la jupe.
Christine Bard ne s'y est pas trompé. La jupe soulève des questions sociales importantes liées à la liberté de paraître et à la manière dont le corps des femmes (et en amont celui des jeunes filles) est soumis à une surveillance constante.
Ce qui est commun à l'ensemble des prises de position autour de la jupe, du foulard ou du string, c'est la question du contrôle qui s'exerce sur les corps au nom de la pudeur. Cette question n'est pas nouvelle et ressurgit à chaque fois – dans l'histoire du vêtement – qu'une partie du corps se dévoile, qu'il s'agisse de la cheville, du genou, de la cuisse... Elle connait des variations culturelles qui amènent à couvrir la gorge, les épaules, les cheveux... et jusqu'au visage.
Elle est relancée aujourd'hui en raison de l'évolution des possibilités vestimentaires qui rendent acceptable, sinon souhaitable, le dévoilement de parties du corps que certains ou certaines peuvent considérer comme incorrect.
La pluralité des possibilités de se construire une apparence féminine est rapportée au jugement social qui associe la respectabilité d'une femme à sa manière de paraître.
La liberté de paraître constitue pourtant une dimension incontournable du respect de l'autre. Le jugement spontané porté sur autrui à partir de son apparence s'apparente à un racisme dès lors qu'il contribue à hiérarchiser des individus. Cette hiérarchie se construit sur les valeurs associées à cette apparence (respectable et honnête ou au contraire méprisable et haïssable).
Le regard porté sur les femmes est plein de ces jugements qui associent d'un côté les filles faciles à celles qui mettent en scène leur corps selon certains critères de féminité et, de l'autre, les filles respectables à celles qui effacent au contraire (ou contrôle pour le moins) ces mêmes critères.
Une des questions qui se pose se situe là: dans l'exercice de la surveillance sur le corps des femmes qui ressurgit à tout moment, et sous des formes bien différentes (surveillance qui amène à juger plus préoccupante la vision d'un string dépassant d'un pantalon taille basse porté par une fille, plutôt que celle d'un caleçon moulant le haut des fesses d'un garçon dont le pantalon tient miraculeusement... à mi-fesses précisément).
L'enjeu actuel réside sans doute dans la possibilité de choisir de s'habiller comme on le souhaite, de saisir les codes qui permettent d'infléchir son apparence, d'interpréter les contextes dans lesquels il est possible d'en jouer. Un autre enjeu réside dans la possibilité donnée à chacun de s'approprier des manières de paraître sans s'y fondre. Dit autrement: apprendre à ne pas confondre celle que je suis avec ce que je montre, ni celle que je vois avec ce que j'imagine.
le 25 mars, Fauteuses de trouble poursuit le débat sur le contrôle des apparences en milieu scolaire: La jupe, laïque ou politique?
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