Les réflexions qui suivent ne résultent ni d'analyses juridiques ni d'une quelconque stratégie de défense élaborée par un avocat. Elles se construisent essentiellement sur un positionnement éthique et sur les valeurs qui le soutiennent.
Première remarque: le raisonnement qui suit ne s'applique que si et seulement si Dominique Strauss-Kahn (DSK) est coupable des faits qui lui sont reprochés.
Seconde remarque: il est purement théorique, sachant qu'en matière pénale, le travail des avocats de la défense consiste à s'affranchir de certaines valeurs, notamment en matière de violences sexuelles.
Pourquoi donc, Dominique Strauss-Kahn devrait-il plaider coupable s'il l'est, alors même qu'il risque de nombreuses années de prison, malgré la négociation rendue possible par le "plaider coupable"?
Si l'on se place du point de vue d'un raisonnement éthique, plusieurs raisons peuvent être avancées pour que DSK plaide coupable:
• la première, c'est que Dominique Strauss-Kahn, s'il est coupable des chefs d'accusation retenus contre lui (ou au moins de certains d'entre eux) le sait.
• s'il le sait, il ne peut donc plaider non coupable, sauf à mentir pour assurer sa défense. Et ça, c'est pas bien, surtout quand on incarne le pouvoir politique (en tant qu'ex-futur candidat aux élections présidentielles françaises) et économique (en tant qu'ex directeur du Fonds Monétaire International - FMI). C'est pas bien mais ça se fait, surtout au tribunal, lorsqu'il s'agit d'éviter les conséquences d'un acte que l'on a commis...
• s'il plaide non coupable pour éviter les conséquences des actes qu'il sait avoir commis, DSK refuse d'en assumer la responsabilité, cette responsabilité se traduisant par l'effectuation d'une peine prononcée et le paiement des amendes et dédommagements ordonnés. Or, refuser d'assumer ses responsabilités lorsqu'on incarne le pouvoir, c'est sans doute faire preuve de lâcheté, mais surtout, c'est dénoncer le fait que ce pouvoir tient précisément dans l'exercice de la responsabilité. On peut comprendre en revanche qu'une fois ces actes assumés, DSK et sa défense peuvent alors négocier la dureté de la peine...
• si donc DSK est coupable, ce qu'il sait forcément, et qu'il refuse toutefois d'assumer la responsabilité de ses actes en plaidant non coupable, alors il ne peut que revendiquer une stratégie de défense basée sur le discrédit de la victime (dont il sait qu'elle est victime). En ce sens, il renonce pour une seconde fois à toute éthique du respect d'autrui.
• si, coupable plaidant non coupable, DSK est défendu par une stratégie visant à accabler la victime, la rabaisser, en faire une femme de mauvaise vie, une allumeuse, une menteuse, une cupide, alors il renonce aux valeurs que sa famille politique est censée défendre: la protection des faibles, des victimes, des populations socialement vulnérables (et il se trouve que la victime en question "combine" plusieurs traits de vulnérabilité, en étant femme, immigrée, vivant seule, occupant un emploi subalterne, etc.)
• si, se sachant coupable DSK plaide non coupable et accepte d'être défendu en exerçant de nouvelles violences (symboliques, certes, mais Ô combien blessantes) sur la victime, il se discrédite en tant qu'homme, intégrant la violence comme un mode de relation normal, voire nécessaire (dans le cas de cette défense) entre les hommes et les femmes et, plus largement, au sein de tout rapport de pouvoir et de hiérarchie
Pour toutes ces raisons, et parce qu'un positionnement éthique engage la capacité de chacun à réguler ses comportements en son âme et conscience, DSK devrait plaider coupable, s'il l'est...
... Maintenant, vous me direz,... avec des si...
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Cet article est stupéfiant.
RépondreSupprimersi on etait a new york je suis sure que philippe pourrais etre arrete pour usage de stupefiant ;)
RépondreSupprimerplus serieusement, tres bonne reflexion ...
dans le monde du 5 juin, Marion Van Renterghem conclut ainsi l'article "DSK face à ses juges": "M. Strauss-Kahn en est là: pour sa survie judiciaire,accabler la femme de ménage", grâce à des procédés d'inquisition menés par une société de détectives devant mettre en doute la moralité de la plaignante, en accumulant "tous les indices à même de salir la jeune femme"
RépondreSupprimerS'il est non coupable (j'ai appris dans l'article de Marion Van Renterghem que pour la justice américaine on ne disait pas innocent), ça se comprend...
Mais s'il est coupable... voir ci-dessus
C'est assez convaincant en ce sens que si DSK est coupable il devrait coupable. Mais la même contrainte argumentative permet-elle de conclure que s'il ne plaide pas coupable c'est qu'il ne l'est pas?
RépondreSupprimerle mal c'est pas bien et le bien c'est bien, oui oui. Chacun à sa place sais ce qu'il a à faire dans son propre intérêt.
RépondreSupprimer@Morès non, l'argument ne se renverse pas... ne pas plaider coupable ne signifie pas ne pas l'être, vu que l'on est dans une rhétorique qui intègre non seulement les faits, mais aussi les effets du droit et du fonctionnement concret de la justice
RépondreSupprimerC'est vrai que SI DSK est coupable et qu'il plaide non-coupable, et si sa defense se resume donc a accabler une innocente victime, nous allons assister a l'un des plaidoyers les plus indignes qui soient. Qui plus est, si l'inculpation de DSK ne semble pas avoir mis en cause l'image generale des socialistes, le spectacle du pouvoir et du privilege s'attaquant a la faiblesse risque, lui, de bien entamer la credibilite des socialistes.
RépondreSupprimer1) Si on suit votre raisonnement, et qu'on parte du postulat qu'il est exact: DSK est donc probablement innocent.
RépondreSupprimer2) Votre raisonnement ne tient probablement pas assez compte des faiblesses de l'appareil juridique américain qui peut forcer un système de défense en contradiction totale avec la réalité des faits pour des raisons aussi biens techniques que pragmatiques. Ainsi le "plead guilty" peut se révéler la solution la plus raisonnable en dépit de la vérité (c'est un exemple, basé sur le postulat de l'innocence)
Ce qui est interessant, c'est la présence de sa femme et de sa fille. Il semble vouloir défendre son honneur, et pourtant, il va vraisemblablement plaider la relation consentie.
Va-t-il donc invoquer ce système de défense comme ne refletant pas la réalité auprès de ses proches, tout en le défendant comme le moyen le plus sûr de se disculper, ou avouer un moment de faiblesse que la victime aurait voulu exploiter à des fins pécuniaires, et se positioner comme le dindon de la farce ?
Autre chose: partir du postulat qu'il SAIT qu'il est coupable, implique qu'il évalue la gravité de ce qu'il a fait au même niveau que la justice américaine l'évalue. Il n'est pas du tout certain qu'il ne considère pas la réaction de l'appareil judiciaire US comme disproportionné au regards de ses actes.
RépondreSupprimerJ'ai connu dans mon entourage une histoire similaire quoique beaucoup moins grave (pas de viol). Un oncle député avec ma soeur. Ce qui m'avait frappé alors était l'ignorance des proches. Une ignorance presque volontaire. Un système de déni. Il n'a jamais été possible d'en parler, c'était faire exploser la famille. Ma soeur a gardé le silence. La dénégation des proches a conforté mon oncle dans le sentiment qu'il ne s'était rien passé. Il s'est toujours comporté comme si de rien n'était.
RépondreSupprimerC'est un raisonnement un peu obreptice. En effet, il part du postulat que DSK accepte la nature coupable de son acte (s'il l'a commis). Or, rien n'indique qu'il considère qu'il s'agit d'un acte répréhensible. Pour cela il faut avoir une capacité d'empathie (qui plus est avec quelqu'un de l'autre sexe, ce qui, pour un dragueur, est loin d'être naturel, sinon il ne draguerait pas) qu'il n'a peut être pas. Si vous êtes dans un pays où un acte que vous considérez normal est considéré délictueux (je rappelle qu'il y en a plein les pays religieux et despotiques), vous êtes prêt à tout pour sauver votre peau, même à salir celui ou celle qui vous a dénoncé et qui partage ce que vous considérez comme une représentation fausse de la nature de votre acte
RépondreSupprimerdk
dk, tu poses la question du point de vue. Bien sûr que le raisonnement proposé est partielle, puisqu'il ne prend pas en compte cette dimension, ni celle des enjeux d'un procès.
RépondreSupprimerLa question du point de vue des auteurs de violences sexuelles est cependant centrale, puisqu'elle suppose, comme tu l'écris, une prise de conscience de la violence. Or, d'une part cette prise de conscience est rare et se traduit le plus souvent par un déni. Et, par ailleurs, il y a bien sûr des fluctuations culturelles qui font que ce qui est perçu par violence pour certain-e-s ne l'est pas pour d'autres.
En tous les cas, si la question de l'empathie se pose, c'est qu'elle peut permettre de saisir à quel moment on bascule d'un désir partagé à un rapport de force, de pouvoir ou d'autorité, ou tout simplement si le désir est partagé...
à bientôt pour de nouvelles discussions