dimanche 2 janvier 2011

Jour de l'an à la demeure du chaos

L'entrée de la Demeure du Chaos
Le premier janvier 2011, je suis passé faire un tour à la Demeure du chaos, à Saint-Romain au Mont d'Or, sur les berges de la Saône, au nord de Lyon. N'y ayant pas mis les pieds depuis de longs mois, j'ai profité de la première journée de l'année pour aller y flâner. Le 1-1-11, j'allai donc me ballader  du côté d'une oeuvre créée le 9-9-99. La symbolique des chiffres, peut-être, a guidé mes pas.  J'y suis allé surtout histoire de voir du monde, sans penser toutefois trouver grand monde si ce n'est Luc et Chantal qui y accueillent régulièrement le public, week-ends après week-ends. J'étais sûr de les voir tout en pensant que ce jour là, la Demeure du Chaos serait sans doute déserte.
Arrivé vers 15h30, je me suis en effet trouvé un peu seul. Une poignée de visiteurs marchaient timidement dans la cour, le nez levé ou le regard posé sur les messages peints un peu partout. Quelques appareils photos captaient des images, visant à enregistrer l'ambiance du lieu. J'ai fait un tour pour découvrir les changements opérés depuis mon dernier passage. Des Vanités géantes, gris argent, siègent en quelques endroits et semblent surveiller la Demeure du Chaos aussi sûrement que les caméras de surveillance symbolisant la société d'Orwell. De nouveaux portraits ont été peints sur les murs d'enceinte, complétant la gallerie des intellectuels, des artistes, des hommes politiques qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué ou contribuent à changer le monde, par leurs actes, par leurs idées, par leur création.
Assange bâillonné
Peinture de Pierrick Cart
Et puis j'ai pu constater que, comme à chaque fois que je suis venu, l'actualité la plus brûlante participe à la création de la Demeure du Chaos. En ce début d'année, c'est "l'affaire" WikiLeaks qui sert de thème majeur. Trois portraits de son fondateur, Julian Assange, ont été peints, dont un où il est bâillonné par le drapeau américain. De nombreux slogans figurent sur les murs qui interprètent les effets de WikiLeaks sur les démocraties. Les analyses de Paul Virilio sur la vitesse de l'information et sur ses conséquences politiques, et donc historiques, trouvent ici une remarquable illustration, tout comme le "terrorisme poétique", cher à Hakim Bey.Tout en pensant à la manière dont la Demeure du Chaos s'approprie l'actualité et la digère au plan esthétique (une esthétique soutenue par une dimension analytique constante), je constatais que la Demeure s'était considérablement emplie, malgré le froid. Les visiteurs affluaient, par couple, par famille ou par groupe... Mon questionnement s'est alors porté sur les raisons qui pouvaient bien pousser autant de gens (si différents) à venir se promener dans un lieu aussi noir pour démarrer l'année.Si une ethnographie des visiteurs de la Demeure du Chaos reste à faire, il me semble que deux éléments permettent de comprendre une telle fréquentation: la curiosité et la gratuité.Les personnes qui viennent à la Demeure du Chaos, veulent voir la bâtisse. Ils en ont entendu parler, en bien ou en mal, par la presse ou par des amis, et elles veulent se rendre compte de ce que c'est. C'est la curiosité qui pousse à venir, même si elle est nourrie de plusieurs motivations.Le second aspect, la gratuité, fait de la Demeure du Chaos une destination privilégiée pour promenade dominicale. Tout le monde peut y venir. Il suffit de s'y rendre pour pénétrer les lieux. Le choix de la gratuité est un choix politique. Selon Hakim Bey, "pour fonctionner, le Terrorisme Poétique doit absolument se séparer de toutes les structures conventionnelles de consommation d’art ". Le fait de rendre accessible les lieux à toutes celles et à tous ceux qui ont la curiosité de les découvrir, celui de distribuer gratuitement un certain nombre de ce que le marketing de la culture appelle ailleurs des "produits dérivés" comme les affiches, les DVD, les numéros spéciaux de Lyon poche (le dernier annonce la 3ème Borderline Biennale de septembre 2011 et peut être téléchargé ici), participe à la mise en question du marché de la culture. La gratuité est un acte surprenant, pour les institutions comme pour les visiteurs. Un couple de personnes qui exprimait son avis sur la démarche de Thierry Ehrmann ( le propriétaire et concepteur des lieux, le traitant au passage de "couillu" sans toutefois adhérer à son esthétique), disait par exemple que faire payer un euro par personne, ça ne coûterait pas grand chose, mais ça rapporterait quand même un peu...La gratuité...  voilà où se situe le chaos, dans une société où la valeur d'une chose se réduit à sa valeur marchande et celle d'une personne à son salaire ou son patrimoine....
Enfin, un lien vers un texte lu pour les dix ans de la Demeure du Chaos.


Pour suivre l'actualité autour de la Demeure du Chaos, vous pouvez suivre les dépêches d'Art Press Agency, agence de presse conçu comme une "cellule de crise à durée déterminée" autour d'un "consortium d'artistes, d'auteurs, de pirates et de professionnels des médias traditionnels ou/et numériques.Ou bien consulter le blog de Thierry Ehrmann.
Yvan Collona sur les murs de la Demeure du Chaos

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Le jour où j’ai stoppé les Popovs dans le Bugey* « Comme il faut mal aimer son peuple pour l’envoyer à des choses pareilles. À présent je...