Le garçon sauvage sur Daniel Darc par Marc Dufaud Riding life is not so easy |
28 février 2013. Paris.
Daniel Darc ex-chanteur et parolier de Taxi girl
est retrouvé mort chez lui. Il a succombé à une embolie pulmonaire. A
cinquante-trois ans, son corps est celui d’un vieux rockeur mort au tout début
de sa vie d’adulte. Dans une de ses dernières interviews, à quelques mois de sa mort, il confesse: je me sens comme un mec qui vient de devenir adulte. À cinquante-deux ans" (Daniel Darc, "J'ai envie d'aller vite", interview mise en ligne le 19 janvier 2012.)
Lorsque la nouvelle est connue, les journaux avancent qu’il est probablement
décédé d’une surdose d’alcool et de médicaments. Il semblait impossible qu’il
soit mort de mort « naturelle ».
Il y a des personnes dont le corps révèlerait l’histoire
qu’elles ont traversée. Les marques qu’elles portent indiqueraient non seulement
leur parcours singulier mais aussi la manière dont leurs pratiques se seraient
transformées et auraient contribué à modifier ce qui peut se faire dans la
société. En d’autres termes, il existe des personnes qui non seulement rendent
compte des changements sociaux mais encore contribueraient à les produire.
Elles n’ont pas changé le monde, mais elles auraient impulsé un mouvement, participé à son inflexion aux marges, des marges depuis lesquelles ce mouvement se
diffuserait à l’ensemble du corps social.
L'artiste performer Ron Athey fait partie de ces personnes (voir l'interview L'encre et le métal). De même Daniel Darc. L'un comme l'autre, ils incarneraient «l’être punk».
L'artiste performer Ron Athey fait partie de ces personnes (voir l'interview L'encre et le métal). De même Daniel Darc. L'un comme l'autre, ils incarneraient «l’être punk».
Pour Daniel Darc, cette incarnation commence avec l’auto-mutiliation à laquelle il s’est livré sur scène en 1978, jusqu’à ses tatouages, branding et scarifications, en
passant par ses multiples surdoses d’héroïne. Il incarnait l'être punk à un point tel que dans la plupart des interviews les journalistes revenaient
sur le punk, presque comme une nécessité, même s’il y était question d’albums qui
n’avaient rien à voir avec la musique punk . Ainsi Thierry Ardisson dans
«Tout le monde en parle», en 2004 : «Vous êtes une sorte de rock’n roll héros, avec
ce que ça comporte de tailladage de veines, ce que ça comporte d’injections
d’héroïne, un peu comme Iggy Pop»
Ardisson alimente ainsi la figure du rockeur-punk héros défoncé à l’héro
dans la lignée des Iggy Pop, Lou Reed, Jimi Hendrix, Keith Richards, Sid
Vicious, Janis Joplin, Jim Morrison, des Ramones ou des Pretenders. Daniel Darc
serait dont une incarnation de la figure du rocker défoncé dont le corps porte
les traces d’automutilation de jeunesse mais aussi d’une sorte de résurrection
qui passe aussi par le corps et les tatouages qui s’engagent dans une
perspective esthétique de construction de soi (sur ce point, des similitudes se font jour avec Ron Athey dont Darc adorait le travail).
Darc analyseur du punk ? Il
incarnerait ce qui s’est joué dans le moment punk, le passage d’une musique
métissée à un style de vie, à une image, à une figure. Daniel
Darc ne porte pas de crête Mohawk*. Mais avec ou sans crête, l’engagement du
corps dans une expérience de soi liée aux drogues, à l’alcool, au tatouage, aux
scarifications le situe dans la lignée de la fiction punk telle qu’elle s’est
cristallisée depuis les Sex Pistols ou les New York dolls, qui faisait que
« ce corps qui perdait
nom [en référence aux noms de scène], on le trouait et on l’affirmait comme
exsangue ou en soif uniquement de ses poisons » (François Bon, « Commentaire sur les Sex
Pistols », Tierslivre, 2013). L'affichage d'une masculinité rock avec bottes et perfecto complète la figure punk/rock auquel le corps marqué de Daniel Darc collait si bien.
* La coupe Mohawk ou la coupe Iroquoise et leurs variante sont des coupes de cheveux qui ont caractérisé le mouvement punk des années 1980 et qui sont devenues une forme de signe d'appartenance à une communauté punk. Elles consistent à porter le
crâne rasé sur les côtés et à dresser différemment les cheveux sur le dessus du crâne. Considérée comme moins
agressive aujourd'hui, ces coupes sont désormais popularisées dans des groupes sociaux très
divers et intégrées à la panoplie des coupes à la mode.
Ron Athey Los Angeles début des années 1980 Fuck you style |
Sur Daniel Darc, voir aussi sur ce blog: Darc Tattoo, la lumière du noir.