après avoir été lynché, kadhafi est exhibé chacun voulant poser devant le cadavre... |
En ce qui concerne ce dernier, dès les premières informations, l'histoire paraissait jouée: première brève, le tyran a été arrêté puis – seconde brève moins de deux heures plus tard – il est mort. Fin de l'histoire.
Kadhafi arrêté, battu, exhibé, humilié sera bientôt exécuté |
"Gaddafi Moment of Capture" Capture d'écran d'une video de l'arrestation de Kadhafi |
Kadhafi mort et ensanglanté: son cadavre en Une le 21 octobre 2011 |
Le cadavre de Kadhafi, photographié, filmé: lynchage et exhibition sur le web 2.0 |
Kadhafi sur les murs de la Demeure du Chaos |
Sauf que nous n'étions pas au cinéma. Sauf que je ne regardais pas Pulp Fiction et que Samuel L. Jackson n'abattait pas, citant Ezekiel, le bras vengeur du Tout-Puissant sur les traitres.
Le web 2.0 et sa capacité à produire de l'image à partir de rien, ou de pas grand chose (un téléphone portable et une connexion 3G) nous a livré les derniers instants de Kadhafi.
Et cette livraison s'est faite sans esthétisation du lynchage dont il a été l'objet.
Les images floues, tremblantes, prises de téléphones portables montrent un homme accablé, livré à la violence collective d'autres hommes armés dont il est la proie.
Sur ces vidéos, la vengeance est anonyme où chacun peut frapper un homme désarmé, blessé, vaincu.
Kadhafi qui s'essuie les yeux, aveuglé du sang qui couvre son visage, Kadhafi débraillé, le ventre bedonnant dévoilé par sa chemise ouverte, Kadhafi incapable de se tenir debout, poussé, frappé, insulté...
Ces images précèdent de quelques minutes celles de Kadhafi mort.
Ces images sont celles de la barbarie
Certes, la haine est admissible et la vengeance compréhensible.
Mais la mise à mort d'un homme désarmé ravalera toujours ceux qui l'exercent au rang de celui qu'ils exécutent.
Dans les vidéos qui circulent sur le web (aussi nombreuses qu'elles sont de mauvaise qualité) il n'y avait plus de tyran. Il y avait un homme, seul, soumis à la violence de la foule, c'est-à-dire à la brutalité et à la sauvagerie d'autres hommes.
J'ai été heureux d'apprendre la capture de Kadhafi. J'ai été content qu'un dictateur soit tombé, un de plus. Mais je ne peux me résoudre à accepter son lynchage, car je ne peux me résoudre à accepter la barbarie, quelles qu'en soient les formes.
Premières images de l'arresation Début du lynchage de Kadhafi |
Une bottine exhibée de Kadhafi (encore vivant) atteste de la chute du tyran |
Le corps dénudé de Kadhafi gît Il est retourné pour la photo |
Des humains posent devant le cadavre d'un autre humain dont le crâne est soulevé par les cheveux pour la photo Syrte, Libye, 2011 |
Des humains posent devant les cadavres d'autres humains Minnesota, USA, 1920 |
Des humains posent devant d'autres humains, prisonniers, qu'ils humilient Abou Ghraïb, Irak, 2004 |
A la manière de la Révolution française, l'acte fondateur d'une éventuelle future démocratie libyenne s'établit dans le sang du dictateur exécuté. Louis XVI, cependant, avait eu droit à un procès...
Caricature de Louis XVI en porc ou le corps du roi déshumanisé |
• d'Olivier Beuvelet, Esthétique du tyran mort sur culturevisuelle
• de Fanny Abouaf, La mort de Kadhafi vue par la presse mondiale sur le le nouvel obs
• dans Le Figaro du 16 décembre 2011, Mort de Kadhafi: la CPI soupçonne un crime de guerre.
• à lire l'ouvrage de Jan Philipp Reemtsma, Confiance et violence. Essai sur une configuration particulière de la modernité, et la présentation rapide qui lui est consacrée par Nicolas Weill dans Le Monde des livres du 28/10/2011: "De Shakespeare à Abou Ghraib"
• dans Le Figaro du 16 décembre 2011, Mort de Kadhafi: la CPI soupçonne un crime de guerre.
• à lire l'ouvrage de Jan Philipp Reemtsma, Confiance et violence. Essai sur une configuration particulière de la modernité, et la présentation rapide qui lui est consacrée par Nicolas Weill dans Le Monde des livres du 28/10/2011: "De Shakespeare à Abou Ghraib"