Daniel Darc, Tout est permis mais tout n'est pas utile Entretiens avec Bertrand Dicale, Fayard, juin 2013 |
Et pour cause.
Le récit de Bertrand Dicale construit une cohérence biographique à partir des différents échanges qu'il a eus avec Daniel Darc jusqu'à sa mort. Ce dernier devait retravailler, à sa façon, le matériau ainsi obtenu, tailler dans la masse du récit.
Daniel Darc devait "réécrire dans son rythme, dans son style, réaménager, redisposer, oser des cut-ups, piéger l'exercice du récit" (Bertrand Dicale, "A propos de ce livre", p.8). Cette réécriture n'a pas eu lieu. Daniel Darc est mort alors que Bertrand Dicale l'attendait pour un nouvel entretien. Si tout le livre est écrit à la première personne, on sent néanmoins qu'il a été écrit par Dicale, avec de trop brèves incursions de Darc.
L'avant-propos que rédige Bertrand Dicale remet toutefois quelques pendules à l'heure. Il souligne, contre les médias peu informés et auto-alimentés, que Daniel Darc allait bien, qu'il était plein de projets. Comme l'écrit Dicale, il était dans "une période extrêmement créative et active". Dans l'élaboration commune du livre, raconte-t-il encore, "nous avancions tranquillement, sans inquiétude et sans pressentiment [...] C'est parce que nous étions autant en paix que ce livre paraîtra peut-être semé de lacunes..."
Darc tatoueur D.O.G Daniel Olivier Guillaume |
Nous avions un titre: Darc Tattoo.
Quand Daniel est parti, j'avais commencé un billet: "Daniel, tu fais chier. Comment on va l'faire ce bouquin avec Chamor si t'es pas là?" Ben on l'a pas fait.
Mais le titre est resté.
Il traduit sa rencontre avec Yann Black à Tribal Act justement et son orientation vers le style "Black tattoo". (ici, une belle vidéo où Daniel Darc raconte cette rencontre à Olivier Delacroix)
Comme le rappelle Bertrand Dicale, Daniel Darc était bien ("maintenant j'ai envie de vieillir. Vraiment. Ça peut en décevoir certains") et ses tatouages, si noirs étaient-ils, rayonnaient.
Avec Yann Black – qui a eu l'idée géniale de détourer les cicatrices qu'il portait sur l'avant-bras – Daniel Darc irradiait de toute la lumière du noir.
Des tatouages de Daniel...
Daniel Darc aimait les tatouages mais pas comme les filles de sa chanson ("Les filles aiment les tatouages qui partent au lavage").Il se tatoue tôt, à une époque où, à Paris, les salons de tatouages se comptent sur les doigts. Son premier tatouage est fait à 17 ans, chez Bruno, à Pigalle. Un lézard pour les Doors. Quand Daniel me raconte ça (comme il le fait souvent en intégrant ses références issues aussi bien du rock que de la littérature) il cite Jim Morrison: "I am the Lizard King/I can do anything" (Celebration or the Lizard, 1969).
Dans la tradition rock, il porte dès la fin des années 1970 tatouages et boucle d'oreille, la marque des bad boys, alors que le tatouage n'était pas encore un accessoire de mode.
Puis, au début des années 2000 (plus de vingt ans après son premier tatouage) et suite à sa rencontre avec Yann qui travaillait encore à Tribal Act, il va commencer le noir. Le Darc tattoo commence à voir le jour.
En entrant dans le noir du tatouage, Daniel Darc s'illumine.
Sa peau se couvre d'encre noire sans effacer les stigmates d'un passé destructeur (auto-mutilation, injection d'héroine...). Au contraire, ces stigmates s'intègrent dans les tatouages et le noir recouvre les anciens motifs qu'on devine pourtant. Sa peau est un palimpseste où se lit son histoire.
... au Darc tatoué
Daniel Darc "Je suis une légende" Rock & Folk 486, février 2008 |
Photo d'aiestelle barreyre |
L'ironie de ce tatouage d'Elvis réside dans le fait que le premier disque qu'on lui achète, à onze ans, fut un 45-tours d'Elvis. Premier disque, dernier tatouage, toute la fulgurance de Daniel Darc pourrait se résumer à ce raccourci.
Darc et Elvis: le mythe et la légende "On ne peut pas être Elvis, c'est inatteignable. Mais on peut viser Gene Vincent" (p.195) |
"A la Libération, ma mère a été condamnée à mort pour intelligence avec l'ennemi. Et ensuite elle a épousé un Juif. Ça me ressemble." Dans cette famille juive, Daniel se familiarise aux tatouages qui, dans les camps nazis, marquaient les déportés. Adulte, il se fait même tatouer sur un bras un mot de la Torah, son père lui exprimant alors sa plus totale désapprobation.
Parmi ses tatouages, une autre ironie affleure dans celui qu'il porte sur la poitrine, un sacré-coeur. Sa conversion au protestantisme est inscrite dans sa chair. Ce qui est troublant, c'est que le père de Daniel Rozoum était un voyou de la bande des juifs du Sacré-Coeur à Montmartre. Ça ne s'invente pas!
Photo Franck Chevalier |
Comme le seront les tatouages de Darc.
Le dernier projet de tatouage était un projet collectif. Il devait avec deux amis, deux très proches qui portaient comme lui l'acronyme D.O.G. encré sur la peau, se faire projeter de l'encre dans le dos pour obtenir des motifs à la Pollock qu'il admirait.
De ce petit dripping entre amis devait surgir un nouveau tatouage, le dernier conçu par Daniel pour poursuivre son oeuvre et faire du Darc Tatoué le "beau vieillard" qu'il espérait devenir.
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La page facebook de Daniel Darc. Pour y trouver ses derniers écrits (dans les Inrocks), ses dernières vidéos de concert, des interviews... Une page très sobre mais très complète.
Le site officiel Daniel Darc
La très belle couv de Libération |
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Daniel Darc est parti, mais il revient. Un album posthume sort ce mois de septembre 2013:
Chapelle Sixteen dont le titre résume tout Darc
Il s'inscrit dans la continuité du travail réalisé avec Laurent Marimbert pour La Taille de mon âme.
Des extraits sonores de cet album posthume de Daniel Darc: c'est ici !
Daniel Darc Chapelle Sixteen |
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une belle présentation de l'album posthume de#DanielDarc par @marionbee sur @franceinfo
une belle présentation de l'album posthume de
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De Daniel Darc, aux bellissimes éditions de la Salle de Bain, A Love SupremeReçu par la poste avec un mot noté sur une carte de visite: "Merci" |
Lire aussi sur ce blog: Daniel Darc, l'être punk