mardi 22 mars 2016

Surveiller et frémir

Surveillance militaire, policière et machinale à Paris et Bruxelles...
Les attentats de Bruxelles, après ceux de Paris, de Londres, de Madrid ne cessent de pousser nos sociétés vers le désir sinon l'attente  de la surveillance totale.
Chaque attentat qui se passe sur le sol européen ou américain rappelle la vulnérabilité de tous, la fragilité de chacun devant les frappes d'hommes armés et déterminés à tuer, là où personne n'est en mesure de se défendre. Il ne s'agit plus d'informations exotiques venues de pays en guerre.
Attaquer des écoles, des universités, des centres commerciaux, des théâtres, poser des bombes sur des marchés, dans les métros ou dans les bus, mitrailler les terrasses des cafés, est une tactique certes lâche mais aisément importable et Ô combien efficace.
Devant l'exposition à ce risque insaisissable les autorités préconisent une surveillance généralisée. Face aux salauds en armes, les populations n'ont pas d'autre alternative que de la réclamer ou de se terrer.

Pourtant, les caméras de surveillance, le suivi du déplacement des personnes, leur étiquetage, la captation de leurs données personnelles... n'empêcheront ni la peur, ni les lâches et aveugles attaques destinées, au sens propre, à terroriser en semant la mort à l'improviste.

Il semblerait donc que nous soyons désormais (et pour un certain temps) condamnés à surveiller et frémir.

dimanche 20 mars 2016

De la vulnérabilité des femmes en temps de guerre

 Le viol dit « de guerre », n’est pas une nouveauté.

De nombreux travaux d’histoire ont rendu compte de la manière dont les soldats « se servaient », une fois un territoire conquis: la prise forcée des femmes après celle de la ville. Les crimes de guerre japonais comme les viols américains durant la Seconde Guerre mondiale sont désormais bien documentés.
Plus près de nous, les viols systématiques durant la guerre des Balkans, en République Démocratique du Congo et dans quasiment tous les conflits contemporains donnent lieu à des recueils de faits circonstanciés opérés le plus souvent pas des ONG.

Il n’est donc pas nouveau de parler de ces viols de guerre dans la presse .


La couverture du Time du 21 mars 2016 fait pourtant polémique malgré sa volonté de dénoncer ces violences ordinaires faites aux femmes.

Elle présente, de profil, le ventre proéminent d’une jeune femme de 18 ans, Ayak, enceinte de neuf mois suite à des viols multiples réalisés par des soldats qui l’ont également contaminée par le vih. Ayak vit dans le Sud du Soudan.
La polémique (qu'il faut lire pour saisir la suite de cet article) vient de l’exposition de son corps, noir, et de ce qui résulterait d’une chosification du corps de la femme noire, ce qui a suscité de nombreuses critiques sur Twitter notamment (reprise en fin de l’article de Big Browser) et ce qui pose un certain nombre de questions :

La couverture du Time est-elle raciste sous couvert d’une dénonciation féministe de crimes endémiques? Dénoncer (cette fois-ci au Soudan) l’appropriation par des hommes armés de ce qu’ils considèrent comme de la chair à sexe est-ce condamnable? L’exposition d’une victime de ces viols fait-elle d’elle une victime des médias? L’esthétisation de son corps lourd de l’enfant d’un viol est-elle condamnable? Et si oui qu’est-ce qui la rend condamnable? L’horreur doit-elle être montrée en toute obscénité ou peut-elle aussi être suggérée? Est-ce le contraste entre le corps attendrissant d’une femme enceinte – ce corps habituellement montré comme l’aboutissement de l’amour et du désir d’enfant – et l’horreur du viol collectif qui pose problème?


Le message est-il perverti par sa couleur de peau, son origine sociale et l’exploitation médiatique qui est faite de son image? Est-elle devenue plus vulnérable en étant exposée cette fois-ci non pas à l’appropriation de son corps par les soldats mais à celle de son image par la presse, et donc par autrui? Son corps lui a-t-il échappé une seconde fois, symboliquement désormais?


On le voit, le débat est sensible sur ce corps capté par la violence puis par la mise en scène de cette violence.


Ce qui apparaît inqualifiable d’un côté (le viol collectif légitimé par la force militaire) devient inqualifiable de l’autre (l’exposition du corps esthétisé d’une femme noire enceinte dudit viol).


Privez la photo de sa légende, et vous verrez une jeune femme noire. L’image pourrait alors être critiquée au nom de la finalisation du corps dans la maternité (les femmes sont faites pour faire des enfants) mais elle serait sans doute louée pour afficher en « Une » une femme noire, tant les femmes issues des minorités ethniques sont rares dans la presse (notamment en couverture des magazines).


C’est bien parce qu’il s’agit là d’un corps vulnérable que le débat est si fort, chacun et chacune sachant ce qui est bon pour cette femme qui pose, et le sachant mieux qu’elle… sans la connaître ni elle, ni son histoire.


Le jour où j’ai stoppé les Popovs dans le Bugey* « Comme il faut mal aimer son peuple pour l’envoyer à des choses pareilles. À présent je...