jeudi 17 novembre 2011

Scandale Benetton Corps du pouvoir-pouvoir des corps

Revoilà Benetton et son goût pour la provocation, dans des publicités "United colors" qui possèdent cette qualité de faire parler d'elles, alors même que certaines d'entre elles ne seront publiées ni affichées nulle part.

En effet, dès la présentation de la campagne, le Vatican a manifesté sa colère, ce qui a entraîné ipso facto la promesse de l'annonceur de ne pas diffuser l'image du Pape Benoit XVI embrassant  le grand imam Al-Tayeb.
On le sait depuis les différentes affaires de caricature, la religion est un symbole auquel on ne touche pas impunément, l'impunité pouvant aller des catilinaires de Christine Boutin jusqu'à la mort des blasphémateurs que l'on peut, suivant les époques et les modalités courantes, brûler, lapider, égorger, lyncher... (pour un panorama des manières d'en finir avec les impies, je renvoie au classique Surveiller et punir de Michel Foucault tout en indiquant la résurgence médiatique des exécutions publiques. Cf mon billet sur le lynchage de Kadhafi ou sur l'effacement du corps de Ben Laden. Dans ces deux cas, l'exécution n'est pas publique au sens strict, mais elle le devient par l'usage médiatique qui en est fait ).

Dans ces publicités, pourtant, il n'est pas question de Dieu ni de prophète. Les photomontages mettent en scène le corps du pouvoir, qu'il soit religieux ou politique. Ainsi, outre Benoit XVI et l'imam Al-Tayeb, sont mis en scène les couples Angela Merkel et Nicolas Sarkozy (pour l'affiche sans doute la moins percutante), Barak Obama et Hugo Chavez, Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahou ou encore Lee Myung-bak et Kim Jong il, réunifiant les deux Corée dans un baiser.
Des chefs d'Etat (dont une femmes) et des chefs spirituels (zéro femme) constituent le prétexte de la mise en scène qui met en scène des ennemis réels (Abbas-Netanyahou) ou supposés (Merkel-Sarkozy) pour en appeler à un monde sans haine.
Sauf qu'il ne s'agit pas là d'une simple poignée de main entre dirigeants respectueux du protocole.

 Kim Jong-il (Corée du Nord)
embrasse Lee Myung-bak (Corée du Sud)




Et c'est là que le corps du pouvoir s'efface devant le pouvoir de la mise en scène des corps.
Tant que cette mise en scène respecte les codes et les rituels de la politique et de la diplomatie, tant que ces corps respectent les postures et les attitudes de leur rang, tout va bien.
En revanche, en appeler à la paix en recourant au baiser et à ce qu'il évoque est insupportable.
C'est là que s'exprime pourtant le pouvoir des corps. Il suffit que la mise en image entre en rupture avec l'ordre établi pour que naisse le scandale.
L'infraction est de trois ordres.
D'abord, elle est infraction à l'ordre religieux et au pouvoir qui l'incarne (le Pape et l'imam)
Ensuite, elle est infraction à l'ordre politique, constitué par les frontières géographiques, économiques ou idéologiques.
Enfin – et c'est ce qui donne la force des images (et génère donc la puissance du scandale) – elle est infraction à l'ordre sexuel puisqu'elle met en scène des hommes s'embrassant entre eux.
C'est précisément la combinaison entre cette dernière infraction et les deux premières qui rend insupportable la mise en scène des corps des hommes du pouvoir. L'affiche représentant Sarkozy et Merkel fait sourire. Elle ne scandalise pas.
Publicité censurée
par un slogan
En revanche, le baiser coréen doit tout autant choquer dans les chaumières de Séoul ou de Pyongyang que celui de Nétanyahou et Abbas à Gaza ou à Tel-Aviv.
Le french kiss qui unit les autorités religieuses du Vatican et de l'Egypte devient proprement insupportable parce qu'il éveille les sentiments homophobes.
Le pouvoir de représentation des corps est tel, que cette double infraction génère des sentiments et des émotions insoutenables.
Preuve est ainsi faite qu'on ne joue pas impunément avec l'ordre symbolique, qu'il s'agisse de l'ordre des genres ou de l'ordre sexuel.

mercredi 16 novembre 2011

Lula tête nue face au cancer

Osseus Labyrint...
en mouvement ici
La nouvelle a été annoncée par l'AFP aux alentours de 21h30, heure française: Lula s'est rasé la tête.

Ou, plutôt, sa femme l'a rasé, afin de devancer la perte du poil que ne manquera pas de déclencher le traitement chimiothérapique qu'il va devoir suivre, pour lutter contre le cancer du larynx dont il souffre.
A peine plus de quinze jours après avoir annoncé sa maladie, Lula marque symboliquement le début du combat qu'il va mener contre elle.
En devançant les effets du traitement anti-cancéreux, il affirme ainsi qu'il refuse la soumission et les stigmates qui l'accompagnent.


Se raser avant de perdre ses cheveux est une façon de rester maître de son apparence.
C'est aussi adopter un look qui, aujourd'hui, s'inscrit dans une forme de distinction et d'attention portée à soi.
Certes, se raser continue à marquer une forme de marginalité, depuis Yul Brynner et Michel Foucault jusqu'à Fabien Barthès, Tony Chapron ou M. Propre, Osseus Labyrint et d'autres...

Son changement de look situe toutefois Lula aux périphéries de la prestance, tout en le maintenant dans une forme de contrôle de soi.
Certes, avec les cheveux et la barbe, il abandonne un symbole, celui de l'homme d'état incarnant le peuple.
Michel Foucault
sur les murs de
la Demeure du Chaos
Mais en se rasant, il rassure.
Crâne lisse, sans barbe, il se rassure aussi. Forcément.
Il efface les marques de la maladie... en attendant qu'elle ne gagne du terrain et que son corps l'affiche malgré lui.
Comme le corps amaigri de Steve Jobs l'a portée, comme celui de Patrick Roy l'a manifestée lors de son retour à l'Assemblée Nationale.

Pour l'heure, Lula prend les devants.
Il n'est plus président et peut bien se permettre cette coquetterie.

Lula barbu
tout va bien!
Yul Brynner

Le jour où j’ai stoppé les Popovs dans le Bugey* « Comme il faut mal aimer son peuple pour l’envoyer à des choses pareilles. À présent je...