vendredi 4 septembre 2015

Aylan: Valeur d'un corps d'enfant mort

Noyade fatale
C'est une belle photo celle de cet enfant sur la plage où il paraît dormir.
Les enfants s'endorment n'importe où.
Ils dorment n'importe comment.
Bras le long du corps, la tête reposant pesamment là où le sommeil l'a posée.
On pourrait presque rouspéter. Mais quand même Aylan, ne dors pas là. Tu vas te mouiller, regarde les vagues...
Sauf qu'Aylan ne dort pas.
Il est mort. Noyé.
Cette noyade, tragique comme toutes les noyades d'enfant qui se produisent chaque été dans les piscines, les rivières et les bords de mer, nous jette dans l'horreur en raison du contexte.
Aylan qui semble endormi est mort en tentant d'atteindre un rêve que ses parents avaient imaginé pour lui.
D'ailleurs, les dessinateurs qui lui rendent hommage reprennent cette idée du sommeil, des rêves...

Aylan dort-il? Extrait de dessins...
Cette image tellement forte est immédiatement devenue une icône.
Nous le savons tous.
Son impact est bien supérieur à celui des dizaines de milliers de photos prises depuis des années de milliers de réfugiés morts noyés, asphyxiés, écrasés... en Italie, en France, en Turquie...
L'image d'Aylan se place dans l'histoire des images d'enfants ayant bouleversé le monde à défaut de l'avoir changé, avec la photo de Kim Phuc brûlée au Napalm (prise par Nick Ut au Vietnam) ou encore cette image saisissante d'une fillette malnutrie surveillée par un vautour (prise par Kevin Carter au Soudan).

La terrible violence de l'image d'Aylan mort nous conduit à la sidération par sa diffusion et sa circulation infinie sur la toile, les télés, les journaux. Elle entre dans ce processus d'aspiration généré par les images des attentats du 11 septembre 2001 tournant en boucle.
Aylan, devenir icône dans la mort
La valeur émotionnelle de l'image d'un enfant mort est inestimable.
Aylan parait dormir un instant, un tout petit instant, bien trop petit, avant la terrible prise de conscience: Ce petit garçon est mort.
Sa mort condense toutes les morts injustes.
Sa visibilité construit une réalité qui claque et de laquelle on ne peut plus se détourner.
C'est ce qui en fait la valeur, sa force.

L'image d'un enfant mort est une bombe nucléaire d'émotions. Elle balaie tout.
Comme en 1992 les photos d'Andres Serrano prises à la morgue d'un enfant paraissant lui aussi dormir, jusqu'à la légende: Méningite fatale.
Là-aussi, une claque de la réalité. Ce n'est pas un tableau. Ce n'est pas la photo d'un enfant qui dort. C'est un vrai enfant. Vraiment mort.

Dans les deux cas, l'image peut paraître mise en scène.
Jusqu'à la lecture des mots qui l'accompagnent

Et ça fait mal.
Pour Aylan la colère s'ajoute à la douleur.

Andres Serrano - Méningite Fatale1
Andres Serrano - Méningite Fatale 2


1 commentaire:

  1. Les habits de l'enfant au couleur de la France nous renvoie à notre responsabilité devant cette tragédie.
    Arthur Rimbaud en son temps c'était ému d'une scène de guerre qu'il avait imagé dans un incroyable poème.
    Les temps changent, mais l'émotion reste devant l'incapacité des hommes à retenir les leçons de l'histoire.

    Le dormeur du val

    C'est un trou de verdure où chante une rivière,
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
    Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

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