La fatigue, la saturation, l’ennui, l’inquiétude des étudiantes et des étudiants commence à être bien connue. Des enquêtes sortent, des médias s’en font écho. Durant les vacances de Noël 2020, j’en ai eu une vision émouvante et inquiétante, à partir des textes que m’avaient adressés celles et ceux que j’encadrais, en première année de STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives), dans le cadre d’un module d’expression et de communication. Le second confinement nous a conduits à travailler à distance, ce que nous faisions déjà en partie. Auparavant, durant le cours, je faisais des lectures de textes à partir desquelles se mettait en place une écriture, puis, avant de partir, il y avait une première lecture des écritures en cours, réalisées par les étudiantes et les étudiants. Ils avaient ensuite jusqu’au début de la semaine suivante pour m’adresser une version jugée finie. La plupart prenait ce temps pour compléter l’écriture enclenchée en cours.
Je voulais ici lister un certain nombre d’extraits qui traduisent leur mal-être, leur vécu angoissant. Tout le monde ne produit pas des textes désespérés. Néanmoins, chaque texte contient des passages, plus ou moins longs, plus ou moins répétitifs qui indiquent la difficulté à vivre le confinement. La plupart est rentrée dans la famille. Mais ce qui est marquant, c’est que l’isolement est ressenti, par rapport aux ami.es, par rapport à l’université, malgré la présence (parfois pesante aussi) des parents et de la fratrie.
Chaque extrait provient d’un « Journal d’un corps confiné » différent
Extraits :
Je passe mes journées sur mon lit ou mon ordinateur. J’ai quelques cours qui font passer le temps mais dès que le cours se termine, je retrouve l’ennui qui était déjà là. Mon corps ne veut plus rien faire, il veut se reposer. Je n’ai plus de motivation pour rien
N’ayant pas cours, mon corps est sans énergie
je suis de nouveau très fatiguée, je sens mon corps très lourd et sans énergie
J’ai très peu dormi, je ne sais pas pourquoi je n’ai pas réussi à m’endormir. Je trouve mon corps lourd, plus pesant que d’habitude, j’ai du mal à me lever
Ce matin sans aucune envie je me lève. En sortant du lit, je sens des douleurs au dos mais également à la jambe droite
Après un mois à écrire je suis triste, triste d’avoir compris trop tard que ce journal me faisait du bien. Il m’aidait à tenir un rythme, à me lever le matin ou continuer mes cours, aller à mes liens en visio et surtout à ne pas oublier qu’il est important de maintenir un rythme scolaire comme si nous étions à la fac
Physiquement autant que mentalement, je me sens molle.
Il n’est que 9h mais mes yeux sont déjà fatigués
grosse journée de cours, très peu de pause. 8h/18h sans pouvoir bouger et défouler mon corps à part pour manger
Mon corps fatigué de ne rien faire, j’enchaine les crampes et le manque de contact humain se fait ressentir
Je déprime. J’en ai marre. J’essaie de tirer du positif de ce confinement mais c’est dur
Ce matin aucune énergie, je n’avais envie de rien faire… j’avais les bras ballants, les jambes molles, vraiment très fatiguée
moi qui habituellement trouve très facilement le sommeil et bien ce n’est plus le cas, c’est un calvaire !
Je ne fais plus aucun effort, je ne m’habille plus, je ne me maquille plus, je ne me coiffe plus, je ne fais plus rien, et quand je me vois comme dans cet état, je déprime encore plus
la motivation et l’envie ne sont plus du tout au rendez vous
Cela va bientôt faire trois semaines que je suis confiné et la fatigue commence à se faire ressentir et le moral est au plus bas
cela devient de plus en plus difficile de se motiver à travailler à la maison
je commence à avoir peur pour la suite de mes étude
Il est dix huit heures, j’ai passé une journée fatigante, je n’ai rien fait
je n’arrive plus à résister, je craque et je pleure
Je sens que je suis toujours fatigué, comme si je n’avais pas dormi
ce qui est problématique avec ce confinement, c’est que nous perdons tous l’envie de faire quoique ce soit
Je n’ai pas de cours aujourd’hui. Je me lamente sur mon lit avec des pensées qui me détruisent
Mes nuits ? Elles sont toujours aussi horribles. Je vis avec des pensées horribles. Je pleure une fois toutes les deux nuits.
j’en aurait passé des jours à taper sur ce clavier d’ordinateur, tous mes doits posés sur ce clavier. A avoir mal aux yeux à force d’être sur l’ordinateur, à avoir mal au dos, au cou, parce que lorsque je travaille je me tiens mal
Je suis fatigué je viens de me lever mes os craquent comme si je m’étais réveillé dans le corps d’une personne âgée ce confinement est en train de me rouiller
Je mange n’importe comment mon hygiène de vie n’est pas excellente pourtant je le sais mais cette atmosphère ne m’encourage pas plus à faire des efforts
Aujourd’hui, je me sens vide, vide de sensation comme si je vivais mais sans rien vivre. Je me sens mal. La journée passe et rien ne se passe
Mon esprit est fragile et mon corps me le fait ressentir
en sortant de la douche avant de m’habiller, je me suis trouvée flasque et moins tonique
je fais ce qui est nécessaire sous ce toit mais aujourd’hui tout est plus dur, tout est plus lourd.
Seule toute la journée, j’en deviens folle
Il ne se passe rien. Je répète ma routine. Je ne sais même plus ce que je ressens. Mon corps répète ces gestes encore et encore. Je suis vide. Ça n’a plus de sens. Je réitère juste les mêmes choses, chaque jour.
Je me mords l’intérieur de la lèvre jusqu’à sang, et je me gratte la peau de la main jusqu’à ce que l’on voit ma chair
une journée totale d’ennui devant mon ordinateur à suivre les cours à distance
Je me sens faible, faible mentalement, faible physiquement, faible tout court
Aujourd’hui je ne me sentais pas bien, que ce soit moralement ou physiquement j’étais à sec
je ressens la tristesse et la lassitude reprendre le dessus
En plus de la pression des cours et de ce quotidien dépressif j’ai l’impression de me sentir de moins en moins bien dans mon corps
déjà que mon quotidien est répétitif alors si celui-ci deviens désagréable cela risque d’être long…
L’ennui est au centre de tout en ce moment, peu de cours, peu de personnes chez moi
je suis prisonnier de ma propre maison dans ma peau d’humain
en tant qu’ado de 18 ans dans un corps d’1m87 et 75KG c’est compliqué de rester sans rien faire
Sans rien pour me divertir, personne pour me parler, j’ai erré sans but dans ma maison tel un zombie, avant d’enfin pouvoir me recoucher, que cette journée se termine
Ma tête est lourde. Ce confinement pèse sur mes épaules. L’absence pèse aussi sur mon cœur.
Je suis en état pseudo-dépressif depuis mon réveil et la perspective de travailler à distance chez moi
Ce soir mes émotions on prit le dessus et je n'ai pas su les contrôler.
Je sens comme une fatigue non expliquée, puisque que je dors bien et j'ai un sommeil de 8 heures chaque nuit
Mon moral est proche de zéro, car c’est ma première année en France et je vais passer deux mois cloitrés dans un appartement
Les jours se ressemblent et s’assemblent et c’est de plus en plus dur de se lever le matin
depuis une semaine je grignote toute la journée. J’entame à dix heures un paquet de chips puis à onze heures j’enchaine avec un paquet de bonbon et tout ça dans ma chambre devant mon écran
je suis fatigué de faire mon sport à l’appart, c’est devenu plus déprimant que jouissif
je n’ai ni le courage, ni l’énergie, ni l’envie de faire quelque chose
j’ai passé la journée au lit. Ma vie se résume à l’ennui.
Je me sens ballonnée à longueur de journée et j’ai de plus en plus de douleurs à l’estomac qui me réveillerait presque la nuit
L’ennuie prend le dessus, j’ai de moins en moins de cours en visio-conférence, je me sens seul et plus ça va, plus je me renferme sur moi-même
Tout comme les émotions, la douleur peut parfois être difficile à écrire, tout ce que je peux dire, c’est que ma douleur psychologique est bien au-dessus de ce que j’ai pu ressentir auparavant
Je suis fatigué. Fatigué par les cours
Je ne suis aucun cours, je n’ai pas pris la peine d’allumer mon ordinateur ni de mettre un réveil
merci Philippe pour ce partage de témoignages. Nos jeunes sont en danger pour protéger le reste de la population.
RépondreSupprimermerci pour ce partage. Effectivement la non ouverture des faculté est un scandale qui va faire des dégâts durables
RépondreSupprimerMerci de ce "témoignage" très éclairant et très touchant.
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