Celui qui est considéré comme l'un des plus impressionnants boxeurs de tous les temps n'a jamais été un modèle en dehors du ring ni même sur le ring d'ailleurs (Evander Holyfield y a laissé un bout d'oreille par exemple).
Il connait la violence qu'il a apprise en dehors des salles de boxe, en dehors des "Gym" dont Loïc Wacquant a étudié la logique de pacification pour les jeunes issus des ghettos dans Corps et âmes. Carnets ethnographiques d'un apprenti boxeur (chez Agone, 2001).
Tyson, lui, vient d'un des ghettos les plus violents et, qui plus est, il ne fait pas partie des "classes supérieures du ghetto", c'est-à-dire des familles qui possèdent déjà un cadre structurant et des valeurs qui facilitent l'intégration sportive de leurs enfants (abandonné par son père, élevé par sa mère qui meurt lorsqu'il a 16 ans...).
Au contraire, Mike Tyson est venu à la boxe après un parcours de violence et de délinquance (à l'âge de 13 ans, il a déjà été arrêté plus de trente fois pour différents délits). Et l'on peut penser que son rapport aux autres (aux autres hommes mais aussi aux femmes) comme son rapport à lui-même a été largement infléchi par cette violence ordinaire au sein de laquelle il a été élevé.
Le corps de Tyson était un corps qui fut un temps destructeur pour ses adversaires.
Sa force, sa hargne, sa puissance en faisaient une bête de combat. En dehors du ring, loin des "valeurs du sport", il a pourtant poursuivi sa carrière de délinquant (bagarres, violences domestiques, détention de drogue pour laquelle il fut brièvement emprisonné en 2007), voire de criminel (condamné pour viol, il passera trois ans en prison) et a perdu les millions de dollars (estimés à 300 millions) qu'il a gagnés en boxant.
Tyson n'a jamais été "redressé" par le sport. Son intégration sociale "par le sport" se réduit à son utilisation par un système professionnel qui génère de l'argent en produisant du spectacle. Il en a bénéficié bien sûr, sans pouvoir pourtant s'affranchir de la vulnérabilité à laquelle l'exposent ses origines sociales. Dans ce système, Tyson a excellé autant par ses performances que par l'image qu'il a construite, celle d'un bad boy. Mais il ne s'agissait pas d'une image.
Mike Tyson a déjà perdu sur le ring. Ses retours successifs, après la prison et après les défaites, ont écorné l'image d'invincibilité qui lui venait des premières années de sa carrière.
Il a perdu de l'argent.
Il a perdu son identité d'américain victorieux pour rester un Noir du ghetto, qui a comme Mohamed Ali avant lui, choisi une religion lui offrant un nouveau nom ( Malik Abdul Aziz)
Il a perdu, jusqu'à la confiance en soi réalisant lors de la conférence de presse donnée le 25 août 2013 une poignante auto-dévaluation dans laquelle il se traite de salaud, de mother f... (la présentation en français est disponible ici "Mike Tyson, alcoolique et drogué)
Son témoignage laisse penser que les addictions sont en train d'épuiser son corps pourtant encore impressionnant.
Il conserve une belle carcasse mais confesse pourtant: "je suis sur le point de mourir parce que je suis un alcoolique vicieux".
L'alcool qu'il ingurgite depuis des dizaines d'années est un adversaire bien plus coriace qu'Holyfield.
Et malgré ce qu'il affirme, ce direct au foie pardonne rarement.
Mike Tyson "I haven't drunk or took drugs till 6 days" "Je n'ai pas bu ou pris de drogue depuis 6 jours" |
Myke Tyson, tatouage inspiré des Maoris by Victor Whitmill |
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